dimanche 11 août 2013

Territorialité Houataise : la légitimité !

Plus le territoire est petit plus le sentiment de lien est fort et passionnel. C'est en tous cas ma conclusion pseudo scientifique  d'une observation peu objective d'un phénomène auquel ma présence induit un biais évident....Donc rien de rigoureux dans ce qui suit, juste des supputations délirantes d'un être doué d'une sensibilité exacerbée !!!
Si le territoire s'appelle HOUAT (petite ile du Morbihan au large de Quiberon, Bretagne sud) alors les passions se déchainent l'air de rien, l'air de ne pas y toucher, l'air indifférent presque mais cette légèreté est tout à fait feinte. Il n'y a rien de léger à Houat, ni la lande ni les gens.
L'ile d'abord est un rocher acéré sur sa côte sud et attendri par la fougère sur sa côte nord. Mais la fougère ne trompe personne : l'ile est rude point barre. Rien n'y pousse ou presque, quasiment pas d'arbres (sauf les récentes plantations acharnées des estivants propriétaires), pas de fleurs. Pas d'animaux dans la lande autres que des lapins mixomateux et quelques faisans importés avec les roses trémières et très récemment les agapanthes.
La pêche a permis aux habitants, les vrais, ceux d'origine, de survivre même si elle a tué pas mal quand même. Ici on vit et on meurt...c'est selon sa chance. Pas de douceur, pas de câlins ...ici on survit et seuls les forts y trouvent du confort. Les autres galèrent... Avez vous déjà vu des galériens épanouis et bienveillants ? à Houat on n'a pas cette faiblesse, on blesse dès que possible comme si on s'octroyait un crédit. Un coup d'avance en quelque sorte....
Il fut un temps lointain ou l'église, le recteur et l'absence de télé fédéraient les villageois autour du cidre ou de la bière, ou les échanges allaient bon train mais pas en parole. A Houat on échange tacitement, on ne parle pas, on est des taiseux...
Les estivants sont venus peu à peu, au compte goutte. Les plus authentiquement épris de simplicité rustique et maritime tout d'abord. Ils campaient loin du village. Ils étaient vaguement tolérés mais peu appréciés. Même leurs sous ne tentaient pas les gens qui n'en avait peu l'usage. Mais leur amour sincère, leur acharnement a porté des fruits et des maisons abandonnées se sont transformées en cabanons d'été pour parisiens en mal d'authenticité. Là ils ont été servis... Une authentique hostilité, un authentique mépris. Quelques larcins plus loin, et quelques pillages plus tard, les enfants des uns ont joué avec les enfants des autres et l'étranger est devenu moins étrange, comme dans les colonies ! Mais les locaux sont restés attentifs à ne pas s'assimiler...les plus fauchés ont vendu les maisons des grand'mères, les indivisions les plus improbables se sont réunies...Il suffisaient d'attendre des nouvelles des 7 cousins partis gagner leur pain sur de gros bâtiments très loin, St Pierre et Miquelon, Les iles lointaines....les nouvelles pouvaient mettre 15 ans à arriver ! les parisiens étaient tenaces et les Houâtais pauvres !
Nous arrivons 100 ans plus tard (âge des premiers baux emphytéotiques) à la période qui nous intéresse : Hic et nunc, ici et maintenant.
La période que je suis en mesure d'observer a 37 ans cette année. Je suis devenue "légitime" à mes yeux le jour de juin 1976 ou mon fiancé m'a ouvert sa maisonnette reçue en héritage. Ni eau ni électricité, une excentricité de vacanciers !  Il nous a fallu 10 ans pour l'investir de sa nouvelle fonction : maison de famille passionnément aimée dans une ile d'élite ! Nous étions les "happy few"fiers d'en être !
L'ile a changé, l'électricité s'est répandue et la télé avec, on a cessé d'aller chercher l'eau au puît et d'y discuter les nouvelles du jour, on a même goudronné les chemins à la suite de débats houleux qui animent encore les amoureux du pur et dur !
Le nombre de vacanciers s'est multiplié, les authentiques autochtones ont fui le village et se sont installés dans de belles villas flambant neuves aux abords du nouveau port. (L'ancien port a subi une tempête qui l'a ensablé en une nuit....Il ne s'en est jamais remis !). Il y a eu 2 sortes de vacanciers : les discrets et modestes qui acceptaient leur étiquette de vacanciers, qui ne se prenaient pas pour des loups de mer aguerris, qui ne singeaient pas le Houâtais d'origine. Et puis les autres ! Des facheux....qui semaient un climat d'illégitimité autour d'eux. On en était ou on n'en était pas ! Le club fermé des légitimes aristocrates d'opérettes de Houat auto proclamés. (Oper'Houat !). Ceux là sont restés facilement reconnaissables : ils marchent l'air fermé et rude des locaux, s'habillent de vareuses délavées et de shorts percés, singeant la pauvreté et la simplicité, ils sont cul et chemise avec 1 ou 2 alcooliques ou pêcheurs ou les 2 afin de montrer leur intégration donc leur légitimité territoriale. Leurs maisons sont pleines de filets de pêche et autre flotteurs de verre. Et ils toisent les pauvres pêcheurs, je veux dire les vrais touristes, vacanciers assumant leur position, ne dépassant pas les limites de la décence et de la dignité, qui admirent l'ile avec des yeux neufs, sans prétention, sans obligation pseudo intellectuelle et esthétisante du BON gout des gens BIENS....
Si la vie vous pose sur l'ile en toute légitimité et que les cahots conjugaux décident d'un momentané exil politique, alors les langues se déchainent, on crache sur ce que l'on a embrassé, car ici c n'est pas l'être qui compte, on n'aime personne, mais la connaissance et la reconnaissance. La non reconnaissance même momentanée vous illégitimise ! La population parigo-arrogante s'octroie des droits quasi divins sur votre pauvre personne, déjà blessée par sa propre histoire, et vous voue aux gémonies. Vous vous mettez alors à entendre des voix derrière votre dos qui commentent vos crimes imaginaires.
Curieusement les autochtones frustres et méprisés bien que courtisés bassement vous parlent alors enfin ! ils reconnaissent en vous l'ennemie de leurs ennemis. Ils vous parlent des autres, des méchants, des hautains, des vilains avec une humanité compatissante et vous prient de trouver ci joint leur affection ! Moment  touchant et savoureux.
Le temps passe et soigne toutes les plaies ou presque. La vérité finit toujours par ressortir au grand jour. La bêtise humaine par contre est solide dans ses bottes, même le nez dans le sale, et pollue le bon air breton de ses remugles métropolitains.
L'ile déchaine des passions et soigne les plaies. Elle ne laisse personne indifférent surtout quand on y a planté des racines aériennes si subtilement ancrées. On y revient ou on la hait. Pas d'entre deux. Le retour est commenté, salué, méprisé, abhorré, fêté...rarement indifférent.
Quand on souffre sur l'ile c'est comme quand on se fait piquer par une ortie : il y a toujours dans le périmètre ce qu'il faut pour traiter la blessure !