mercredi 11 mai 2011

l'histoire de Fanion, petite nouvelle à suivre....

Odette :

Finalement ils ont peut être raison…ce qu’elle fait spontanément semble poser aux gens un vrai problème, une interrogation du type je me gratte le menton…Qu’a-t-elle de si spécial cette fille ? Pourquoi le monde la regarde-t-il avec la bouche bée ?

Pourtant elle est parfaitement normale cette fille-là, enfin presque. Mais tout le monde est presque sympa, presque beau, presque intelligent…il s’en faut souvent de si peu mais ce peu là fait toujours gratter le menton des gens, voire leur chevelure ou leur nez.
Elle est née, comme tout le monde, une fille, bien qu’après 3 filles déjà ça n’a pas été très indispensable de faire celle là, encore… La famille avait de tout déjà, des filles, des garçons, des emmerdeurs, des faciles à vivre, des doués, des bosseurs et des branleurs….une famille très complète en fait !
Alors l’arrivée de…Comment là déjà….Comment ils l’ont appelée la petite ? ….c’est bien une fille ? heu….C’est pas Marion comme voulait Papa, c’est pas Fanette selon le désir de Maman….ha oui c’est Fanion….Certains l’appellent Fanny, d’autres Funny, d’autres Phony, ou encore Drapeau….seuls quelques bons amis lui donnent son vrai nom, un nom de parents pas d’accord qui poussent le compromis jusqu’à l’absurde….alors faut pas s’étonner si…enfin bref…je préfère ne rien dire.


Donc voilà Fanion qui débarque sur la planète avec plein de frères et sœurs tout autour, qui ont déjà donné son style à la fratrie….alors marche ou crève Fanion, porte l’étendard de l’appartenance familiale. Et puis Fanion, si on pense à Marion ça sonne féminin si on veut…mais on dit UN fanion, Fanion ça sonne bizarre pour une fille fleur on dirait qu’elle doit faner au plus vite : nous fanions à l’automne…chronique d’une future fin décrépite ? ou d’une dépression enkystée de naissance ?

Toutes ces considérations n’avaient pas encore frappé le bébé Fanion mais peu à peu au fil de son évolution l’école, les vilains copains, les parents des vilains copains, les voisines de la grand-mère, le charcutier, tout le monde a commenté ce nom. Fanion a tout entendu. Rien de très méchant….juste le sentiment d’appartenir à une famille de frappadingues, et d’être aux yeux des gens normaux, juste un peu pas tout à fait pareille, un peu zarbi …au demeurant la plus chic fille du monde !!
Petite on disait d’elle qu’elle était mignonne, ses boucles blondes plaisaient, son petit corps musclé et agile faisait l’admiration, elle grimpait aux arbres comme personne, dirigeait sa troupe de fan avec maestria, avait les meilleures idées de rigolade et une insolence rare…on aurait dit que rien ni personne ne lui faisait peur, qu’elle regardait les choses avec une sorte de présence intense comme si elle captait à toute vitesse ce qu’il y avait à remarquer dans toute situation. Elle était toujours surprise de voir que presque personne n’avait saisi ce qu’elle avait scanné en un instant. Un petit coté Fifi Brindacier…Mais Fifi sonne comme fifille pas comme Fanion, le garçon !

Enfin je préfère lui laisser la parole, parce qu’en tant que simple voisine beaucoup de choses ont pu m’échapper.








Fanion :


Je m’étais bien juré de ne jamais accorder le moindre intérêt à la lubie parentale concernant mon prénom….je voulais relater les faits pour eux même et non à travers le prisme de cette singularité prénominale…et me voilà contre tout engagement personnel à commencer mon récit par « je m’appelle Fanion » car je sais que c’est là que tout à commencé…Je ne voulais pas leur accorder cette importance à eux qui avaient orienté ma vie de drôle de façon.

Mon existence a démarré sur un désaccord et mon prénom illustre le désaccord parental. Papa voulait me nommer Marion, je ne sais pas pourquoi car curieusement l’histoire ne le dit pas. Sans doute avait-il une charmante image autour de ce nom-là. On parle beaucoup plus du pourquoi Maman n’aimait pas que du pourquoi Papa aimait….
Maman disait qu’elle avait eu une copine Marion qui était compliquée et pas gentille, une vrai peste et que son enfant ne pouvait pas s’appeler comme elle….
Maman voulait Fanette, une de ses plus vieilles amies, qui était vive et généreuse et qui avait vécu dans un vignoble de rêve au milieu de la Champagne en général pouilleuse…Fanette avait fait de la résistance et avait disparu un beau jour dans un grand mystère…L’aura de ce prénom était immense et si romanesque….Mais papa disait « une Fanette n’est bonne qu’à manger du foin ! »
J’étais déjà née et il fallait rapidement me déclarer, le stress était à son maximum et la pérennité de ce couple-là résidait alors dans la rapidité de sortie de ce conflit si émotionnel. Et à la fin d’un déjeuner sans doute un peu arrosé les 2 parents se sentirent poussés à la conciliation. « Coupons la poire en 2 » fut le slogan…..et Fanion je devins….Mi Marion, mi Fanette….Rien à dire, le partage était équitable….j’imagine que je devais m’en contenter puisqu’un autre mélange de syllabes aurait pu me baptiser Manette !!!
Alors de deux mots je dus me contenter du moindre.
L’ironie historique réside également dans ma date de naissance….13 juillet ! Je ne m’étonne guère de l’influence des festivités de la fête nationale, et des parades avec moult drapeaux et fanions sur des airs patriotiques et enthousiasmants sur le prénom choisi le lendemain….Née un 13 juillet, nommée un 15 juillet….cherchez l’erreur !
Personne n’aurait l’idée de gazouiller « Fanion » à un pauvre bébé tout neuf…les petits mots doux pleuvent, chacun les siens….Maman à commencé avec des Fanny, Nini, et bien sur Fanette est revenu tout naturellement dans sa bouche….Mais à chaque occasion Papa la taquinait en disant « les Fanette c’est bête » et Maman de rétorquer « les Marion c’est con »..,Quelle belle musique pour commencer sa vie …Quant à Papa il se gargarisait avec des « mon yon-yon » la honte….pendant 15 ans !

Pourquoi mes autres frères et sœurs avaient-ils échappé à ce type de bizarrerie ? Carole et Paul avaient eu du bol, Constance de la chance et Lucie et Henri étaient bénis ! Dans l’ordre ça donnait : Carole et Lucie ou « les filles », Paul et Henri ou « les garçons » et Constance et Fanion « les 2 petites » : Constance c’est stable, Fanion ça vole au vent….Comment trouver un ancrage avec ça ?
Je n’avais comme revanche que la moquerie Caca pour Carole, popo pour Paul, Concon pour Constance. Seule Lucie (Luciole) bénéficiait de ce beau prénom….Quant à Henri il était Henri !
Très tôt j’ai su trouver pour chacun le truc qui tue, le mot qui fouette, la phrase qui rassemble les rieurs. Bref je devins une terreur à talent de devin. Mais aussi un être fort aimable et fort aimé…


Mon premier amour fut une fille, encore que le sexe fut totalement absent de la relation. Elle s’appelait Carla, son père était italien et sa maman américaine. Elle aussi était différente. Mon premier choc a été de constater qu’elle n’avait aucun choc à entendre mon nom ! Pas un accent circonflexe dans ses sourcils noirs… Un regard direct et sans arrière-pensée. On s’est reconnu au premier regard dans la cour de récré de notre collège parisien. Les copines s’esclaffaient à une blague de base et nous on s’est juste regardées sans aucune expression sur le visage, sans aucun désir de montrer quoi que ce soit d’autre que ce désir de ne rien montrer…Une force énorme émanait de ce premier coup d’œil. Le sentiment qu’à nous deux on serait les maîtresses du monde…ce que nous devînmes ! Elle était d’une rare intelligence, d’une détermination et d’une puissance d’esprit incroyable. Elle m’avait choisie et ce choix devenait primordial, à égalité avec son désir de devenir danseuse étoile. Elle serait danseuse et je serais son homme, son Fanion, son porte-étendard. Elle était ma fierté. Elle écrivait comme une professionnelle douée transformant toute notre réalité avec des mots qui me sont tous restés.
Jamais l’idée de nous rapprocher physiquement ne nous effleura. Notre Amour n’était pas de l’espèce bestiale, mais de la race des esprits dominants, fort et absolu, sans peur et sans reproche…
Alors le jour où j’ai quitté Paris pour commencer ma deuxième vie, son cœur a saigné, plus que le mien parce qu’elle restait dans nos lieux, elle, et que tout lui parlait de moi. Moi j’avais une nouvelle vie et un cheval… !!! Son cœur saignant s’est épanché par écrit et pendant 1 an j’ai reçu une à deux lettres par jour qui étaient autant œuvres d’art que de littérature. L’écriture d’un graphisme inhumain se paraît de toutes les couleurs de son humeur changeante, et suivait des volutes acrobatiques ressemblant à des chorégraphies. Ses textes voltigeaient au gré de ses fantasques élucubrations, riches de toute une palette de mots savoureux, et nourrissaient mon esprit comme un goutte à goutte à tous les instants. S’instaura alors une communion absolue si non physique, très spirituelle et mentale, une sororité d’âme, une omniprésence d’ange gardien omniscient et omnivore…Nous dévorions la vie ! chacune de notre coté !
Mais la vole au vent s’éprit tellement de la vie qu’elle en oublia son amie…Il resta cependant ce sentiment constant d’être reliée. Plus tard elle y verrait des signes ésotériques….Mais n’anticipons pas !















Quelle aurait pu être ma vie ?
Une surdouée qui rate ses études, qui se case dans un mariage sécuritaire et qui passe la moitié de sa vie à élever des enfants qui lui en veulent de leurs manques, qui divorce bourgeoisement, qui se récupère via les psys et les gourous et qui sur le tard rejoue sa jeunesse mi-folle, mi-sage ?
Non, pas très glamour comme description. On va trouver mieux ! Parce que je le vaux bien !!!



Mais ce qui a fait la différence avec une vie ordinaire, simple et banale ce fut mon prénom. A la première lecture de l’événement « ils l’ont nommée Fanion » on pouvait légitimement s’écrier « mais quelle horreur, quels fous, quels égoïstes sans cœur, quels massacreurs d’enfant innocente ». Mais finalement ce nom fut ma chance…

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